Aujourd’hui, je vous propose un post un peu particulier sur le blog, un long post afin de mettre en partage avec vous la manière dont je travaille. Ça m’a souvent été demandé par les photographes que je côtoie, mais aussi par les débutants qui me demandent des conseils. C’est à eux en particulier que s’adresse cet article, ainsi qu’aux curieux qui aimeraient savoir comment je travaille.
Par Onirique, j’entends, qui évoque un monde de rêve, qui attire vers l’irréel et l’imaginaire. Ce style de photographie est souvent aussi qualifié de photographies féériques ou de fantaisie. Pour ma part, je préfère parler d’onirisme car je puise mon inspiration dans le rêve et ne fais que rarement référence à un conte de fée en particulier ou à un monde imaginaire précis.
1) Préparer la séance
Pour commencer, il faut une idée. Durant certaines séances de portrait romantique ou de book comédien, il m’est possible de me lancer en improvisation, de m’adapter au lieu, à la lumière du moment et à la personne que je rencontre. Cela ne m’est pas possible pour une séance onirique. J’ai besoin de savoir exactement où je vais, qui je vais photographier et ce que je vais photographier.
Je travaille mon idée, mon histoire, le sens que je veux lui donner, et les différentes composantes qui vont me permettre de construire mon image. Avant de partir pour le shooting, je recherche l’idée générale, les émotions que je veux transmettre, mais aussi plus concrètement la modèle, le lieu, le costume, les accessoires, des idées de poses et de cadrage. Ce n’est qu’une fois que tout a été déterminé que je suis prête à me lancer
2.) Trouver l’inspiration
L’inspiration peut jaillir de toute part. Je pense qu’il faut éviter de trop puiser dans ce que les autres photographes ont déjà fait. Le soucis étant que l’on peine à exprimer sa voix intime si l’on est trop attaché à essayer de faire – au moins aussi bien – qu’un autre. On se met aussi une pression d’enfer. Du coup je puise mon inspiration également dans les autres arts : peinture, illustration, contes, films, musique… Mais également dans mes expériences et sentiments personnels, qui sont un merveilleux combustible.
J’utilise avec boulimie Pinterest pour construire mes futures séances, mais le site me sert plus à créer mes « Mood Boards » (des tableaux regroupant différentes images d’inspiration) afin de communiquer avec mon équipe ou mes clientes qu’à trouver mes idées. Pour les idées, je les classe dans un carnet, au fur et à mesure qu’elles me viennent. L’inspiration est un travail de tous les instants, comme un muscle. Plus on collecte les idées et plus de nouvelles idées apparaissent. C’est souvent dans les moments d’ennui profond ou au milieu de ses rêves que l’on a les meilleurs idées. J’ai imaginé de nombreuses images pendant de longues réunions dans mon ancien job…
Parfois, l’inspiration peut aussi venir d’une couleur, d’un lieu, d’une tenue, d’une coiffe, ou d’une modèle. Mais j’essaye toujours in fine, d’avoir une idée générale connectée avec une émotion
3) Repérer le lieu
Pour une séance onirique, il faut accorder une attention toute particulière au décor du shooting. Quels en sont les couleurs, les motifs, mais surtout de luminosité. Je passe beaucoup de temps à photographier des lieux dans lesquels je m’aventure dans ma vie de tous les jours avec mon smartphone, je profite également de mes séances de portraits de comédiens pour repérer les lieux futurs de mes shootings oniriques. Il faut regarder autour de nous en identifiant les potentialités de chaque espace…
Google Image est aussi une riche source de recherche de lieux. Aux alentours de Lyon, nous sommes particulièrement gâtés en parcs, ruelles et lieux couverts, mais aussi forêts, lacs, cascades… Il est à mon avis bien plus facile d’y organiser une séance qu’en région parisienne.
4) Contacter la modèle
Choisir sa modèle est l’élément crucial de la réussite d’une séance onirique…
Je recrute mes modèles à partir des réseaux sociaux. Cependant, il est impossible pour moi de réussir une séance onirique avec une modèle que je connais mal ou une débutante…
J’ai besoin de savoir ce que la modèle peut m’offrir en terme d’expressions, d’émotions et de ressenti, il m’arrive très souvent d’imaginer un projet « pour » une modèle en particulier. Cela implique que j’ai déjà travaillé avec cette modèle sur des séances moins ambitieuses, que j’ai pu créer un lien de confiance. Cela n’a parfois rien à voir avec les compétences ou le physique de la personne, il y a aussi, pour moi, une grande part de relationnel.
Par conséquent, pour un photographe qui se lancerait, je n’aurais que 3 conseils sur le choix des modèles :
- Écumez les réseaux sociaux pour repérer vos futur.e.s collaboratrices et collaborateurs
- Rencontrez les dans un premier temps sur des projets moins ambitieux pour apprendre à les connaître et voir la manière dont ils travaillent
- N’hésitez pas à passer du temps informel, boire un thé, manger un morceau, parlez de sa vie… Cela permet de construire une relation de confiance qui vous aidera à créer
En tout cas, c’est ainsi que je procède.
5) Choisir une tenue
Une superbe robe (comme celle de la photo ci-dessus réalisée par Pourpre) ou une pièce de créateur permet immédiatement de créer l’illusion d’un autre monde. Pour pouvoir photographier de telles merveilles, il faut réussir à démarcher des créateurs et des stylistes, ce qui n’est pas évident… Avoir un joli portefolio aide considérablement dans cette démarche. Cependant, même ainsi, ce n’est pas gagné car pour un créateur ce n’est jamais évident de prêter une tenue en sachant qu’elle va être usée par le shooting. Je me sens immensément privilégiée lorsque l’on me prête quelque chose, vraiment reconnaissante envers ces créatrices qui me font confiance.
Je travaille aussi avec beaucoup de modèle qui possèdent leurs propres tenues – je pense que toute modèle sérieuse devrait avoir quelques tenues dans son style de prédilection – j’ai moi aussi quelques pièces en général très adaptables que je peux réutiliser sur plusieurs shootings.
6) Réaliser un Make Up
Le make up, comme la tenue ou la coiffe, contribuent à créer un personnage, il est fondamental pour ce genre d’images.
Je réalise la plupart des makes up moi-même, quand je ne demande pas à la modèle de s’en charger. Je l’imagine toujours en pensant aux couleurs que je vais utiliser dans mon image. J’aime ajouter des textures ou même coller des éléments sur le visage des modèles.
7) Sélectionner les accessoires
Je ne parle pas ici des bijoux ou des coiffes, qui font pour moi partie intégrante de la tenue de la modèle, mais des accessoires porteurs de sens. Ce sont des objets qui donnent immédiatement un sens à une image et lui confèrent une dimension symbolique. Il peut s’agit d’un bateau, d’une lune, d’un coffre, d’une clé, etc… J’aime énormément ajouter des symboles dans mon travail.
8) Prévoir (ou non) de la fumée
La fumée ajoute un côté magique en entourant le personnage de mystère. Je ferai un post spécifique sur le sujet car c’est sans doute la question que les jeunes photographes qui souhaitent se lancer dans la photographie onirique me posent le plus souvent…
9) Utiliser (avec ou sans parcimonie) la retouche numérique
Je retouche les photos oniriques le plus simplement possible. J’essaye de capturer un maximum de chose avec mon appareil car je n’arrive jamais à faire aussi bien que ce qui est naturel. Par contre, j’adore améliorer le réel afin qu’il corresponde mieux à ma vision. J’utilise plusieurs logiciels mais celui sur lequel je passe le plus d temps est le logiciel libre et gratuit Gimp. je modifie essentiellement les lumières et les couleurs de mes photographies. Je réalise aussi systématiquement ce que l’on appelle les « retouches beauté », à savoir supprimer les petits défauts de peau qui pourraient complexer mes modèles et distraire de la finalité de l’image.
Il est bien sûr possible d’aller beaucoup plus loin, de transformer complètement une ambiance, de réaliser des photomontages ou d’ajouter de nombreux effets. Je l’ai fait par le passé mais cela ne correspond plus à mon style d’aujourd’hui. Néanmoins, j’ai gardé quelques compétences qui peuvent me servir ponctuellement. Aujourd’hui, il existe tellement de logiciels que tout est possible ! Pour un photographe, se former à leur utilisation est très utile.
10) … et prendre du plaisir !
Je crois que le photographe est toujours dans une situation de doute. On se demande souvent dans quelle direction aller, comment faire évoluer son style, quel genre de photos réaliser, quelle « démarche artistique » déployer…
Et si la clé, parfois, c’était de shooter ce qui nous fait plaisir ?
Et si le style, c’est ce qui se déployait lorsque l’on se laisse librement aller vers les projets que l’on aime ?